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CRÉER : SE RECRÉER.

  • Photo du rédacteur: Bongue Camille
    Bongue Camille
  • 6 oct. 2018
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 juil. 2019


La pratique artistique est centrée sur le corps et la sensibilité. Véritable corps-à-corps avec le matériau et l’œuvre ou l’objet à venir, elle offre au sujet en souffrance un ancrage ou un réancrage dans son corps, comme lieu d’émergence d’une parole inconsciente. La pratique artistique est un moyen d’expression de ce qui résiste à la mise en mots, et qui, indicible du point de vue du langage, se dit sous forme de symptômes, d’angoisse et de souffrance dans ce corps. Les maux sont les mots du corps, et ses mains peuvent seules, en certains cas, les dire.

La pratique artistique, pour tout un chacun, est cathartique : la vie pulsionnelle y trouve une dérivation, et le sujet, par ce relai, trouve le moyen de n’être plus submergé par les conflits plus ou moins conscients, causes de souffrance, d’angoisse, de symptômes.

Créer, c’est donc se décharger de ses pulsions, qui dans ce geste se voient sublimées. C’est exprimer sa souffrance, c’est représenter ce qui refuse de se laisser formuler par la parole.

L’œuvre qui en découle s’offre à l’interprétation (du thérapeute, pour l’adulte et l’adolescent, et selon Françoise Dolto, par l’enfant lui-même, maître des clefs interprétatives de ses dessins, par exemple). Le médium artistique est donc un relai symbolique fécond pour la thérapie. Il permet d’enclencher une dynamique de la souffrance vers un mieux être, vial’expression plastique et la concrétude du geste artistique objectivé dans l’œuvre.

Pour la personne chez qui la parole est obnubilée par un autre menaçant ou bâillonnée par un trauma, pour le sujet en qui le langage est en faillite ou en carence, ou encore pour l’enfant dont la voie d’expression de son désir, de ses émotions et sentiments, ne passe pas ou plus par la parole, l’expression plastique vient prendre la relève sur les plans imaginaire et symbolique.

Le modelage, notamment, comme Gisela Pankow l’a bien vu, permet de figurer l’image du corps en ce qu’elle peut avoir de problématique : dans le monde détruit du schizophrène, le modelage permet des « greffes de transfert », qui feront émerger dans l’espace analytique une possibilité de « structuration dynamique » de cette image du corps, une présentificationde cette image trouée par la psychose, image qui sera remodelée, restructurée, grâce au modelage et à son association avec les rêves et paroles du patient.

Françoise Dolto, de son côté, souligne que les enfants dessinent les conflits entre les instances psychiques qui sont, chez eux, encore en construction. L’enfant parle lui-même ses dessins et modelages, et révèle alors sa propre configuration psychique.

Selon les degrés de souffrance et surtout selon le type de pathologies auquel le thérapeute par l’art à affaire, les modalités d’utilisation du médium artistique varieront, mais dans tout les cas, il semble qu’on puisse dire que la pratique artistique est libératrice, et féconde pour la thérapie.

Dans l’espace créatif comme espace de liberté et de création, la censure opérée par le refoulement semble se lever. Le sujet peut rencontrer, en un sens, le silence nécessaire à l’expression de son inconscient. Ainsi, les douleurs comme les désirs inconscients peuvent émerger au long de la pratique.

La concrétude du matériau, son caractère matériel, « terrestre », invite la personne à ressentir son propre corps autrement. Le bruit du pinceau et du crayon sur la feuille, l’odeur de la peinture, la douceur de la terre humide, toutes ces propriétés très concrètes invitent au silence intérieur, à un vide ou un espace où pourra se dire la souffrance insue ou le désir enfoui.


La pratique artistique est donc le moyen d’un recentrement, d’un rassemblement de soi dans un geste dont on ne peut parfois rien dire par avance. La forme qui en émerge vient de l’espace intérieur auquel le sujet s’est rendu attentif, par l’instauration du silence.

Après cette émergence, et que le sujet soit satisfait ou non de sa production, il y a une certaine légèreté, du fait que l’investissement projeté dans l’œuvre ne lui appartient plus : il en est en quelque sorte détaché, son œuvre est un peu de lui mais hors de lui, et peut-être, sa souffrance s’est en partie déchargée et allégée dans cet objet-œuvre qui maintenant appartient au monde et aux appréciations de l’autre.

Par la création, en quelque sorte, le corps du sujet peut être à nouveau « habité » : ce corps n’est plus ou est moins inconfortable et douloureux, en ce qu’il a pu « parler » ses douleurs. La création permet donc une réconciliation avec soi-même et une libération de la parole.


 
 
 

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